Après la naissance, le 21 octobre 1934, du Journal de Mickey,
la date la plus importante dans la presse enfantine française
d'avant-guerre fut la sortie, le 2 avril 1936, du premier numéro
de Junior. Les frères Offenstadt, maîtres de la Société
Parisienne d'Éditions, spécialistes des journaux pour enfants
depuis le début du siècle, décidèrent de frapper un grand coup.
Junior parut au format géant de 39 x 56, égal à celui
des grands quotidiens pour adultes.
La mode étant aux bandes dessinées américaines, la première
page de Junior, publiée en couleurs, fut réservée dès
le début à l'une des plus prestigieuses séries du genre : le
Tarzan de Hal Foster. Une feuille de lancement publicitaire,
distribuée gratuitement le même 2 avril, au format identique
que le journal, reproduisait trois dessins du n° 1 en couleurs.
Le seul intérêt de ce numéro appelé "numéro 0" par les collectionneurs,
c'est qu'il donnait un résumé de l'enfance et la jeunesse de
Tarzan, sous le titre "Le retour de Tarzan". À partir du n°
33, Junior utilisera dans sa manchette, et en grosses
lettres, la mention "Le journal de Tarzan" : belle publicité,
qui évitera les confusions et les concurrences avec d'autres
journaux de l'époque...
Du n° 1 au n° 70, en date du 2 avril 1936 au 29 juillet 1937,
ce bel hebdomadaire publia "Tarzan dans la cité d'or" de Foster
- planches du dimanche 252 à 321. Ensuite, apparut Hogarth du
n° 71 au n° 92 - 5 août au 30 décembre 1937, ce fut la fin de
"Tarzan dans la cité d'or" - planches du dimanche 322 à 343.
Du n° 93 au n° 126 - 6 janvier au 25 août 1938, parut la première
partie de "Tarzan et les Boers" - planches du dimanche 344 à
377. Du n° 127 au n° 151 - 1er septembre 1938 au 16 février
1939, "Tarzan et les Chinois" - planches du dimanche 378 à 402,
passionnèrent les jeunes lecteurs, malgré quelques dessins censurés.
Citons en exemple le baiser de Fang à Luling. Du n° 152 au n°
176 - 23 février au 10 août 1939, "Tarzan et les pygmées" -
planches numéro 403 à 427 sévirent dans le journal.
Du 17 août au 19 octobre 1939 dans les numéros 177 à 186, "Tarzan
et les amazones" - planches n° 428 à 437, inquiétèrent drôlement
les enfants, encore que la censure ait très largement exercé
ses droits.
À partir de l'histoire suivante, toujours dessinée par Hogarth,
tout se complique. En effet, du 26 octobre 1939 au 27 mars 1941
dans les numéros 187 à 200 - 202 - 212 à 233 correspondant à
la plus grande partie de "Tarzan et les Boers" 2ème partie -
planches n° 438 à 451, 453 - 456 à 477 les numéros 201 et 203
à 211 de Junior contiennent des planches originales françaises
signées H.M. (Henry Le Monnier) à la place des planches américaines
452 - 454 et 455 manquantes en France. Le fil du récit n'est
pas interrompu et les dessins de Hogarth reprennent normalement
au n° 212.
L'occupation allemande de juin 1940 interrompt au n° 219 la
parution de Junior, comme celle de tous les périodiques
français. En décembre 1940, Junior reparaît. Tarzan par
Hogarth se termine heureusement au n° 233. Du n° 234 au n° 241,
en date du 3 avril au 22 mai 1941, Tarzan est dessiné par Auguste
Liquois. Les Français n'ont pas manqué d'imagination, et ont
réussi à combler plus ou moins les pages manquantes américaines.
Vu les circonstances, nous pouvons considérer cela comme un
beau tour de force, la mobilisation à la fin de 1939 et la guerre
en mai 1940 ayant fait le vide dans tous les secteurs d'activité
en France. Privé de toutes les B.D. américaines, du n° 242 au
n° 282, le géant de la presse enfantine agonisa jusqu'au 5 mars
1942. Mais sans Tarzan, notre Junior n'eut plus de succès,
et mourut de sa belle mort.
La belle période d'avant-guerre doit surtout son succès à son
format et sa magnifique présentation, toujours identique, avec
Tarzan de Foster et Hogarth, en première page et en couleurs,
et au fait que les planches françaises suivaient chronologiquement
de très près les planches américaines, avec un retard d'à peine
trois mois, ce qui était exceptionnel pour l'époque et le demeure
toujours aujourd'hui. Junior ne subit guère la concurrence
de L'As et de Hurrah, qui ne publiaient que les
bandes quotidiennes.
Malgré quelques défauts, textes et images censurées, couleurs
parfois trop vives, format un peu étriqué pour l'époque, l'édition
de Tarzan dans Junior est la plus belle existant en France.
Nous regrettons surtout que la Société Parisienne d'Édition
n'ait pas jugé utile de compléter les planches avec les bandes
titres, sauf pendant une courte période de l'après-guerre. Nous
n'avons pas pu identifier le mystérieux H.M. qui a remplacé
Hogarth au début de 1940.
Les collections Junior sont devenues très rares. Le grand
format de ce journal n'en facilitait pas le classement et la
conservation. Vendus surtout dans les kiosques, les numéros
de Junior étaient déjà pliés en 2 ou en 4 dès l'origine,
ce qui laissait des traces d'usure difficiles à éliminer.
Cet article a été rédigé avec la collaboration involontaire
de M. Pierre Pascal qui me pardonnera, j'espère d'avoir utilisé
quelques lignes de son article exhaustif sur Junior paru
dans le n° 11 des Cahiers de la Bande Dessinée en date
de mars et avril 1971. Qu'il en soit remercié.